22/05/2016

Quand mes parents essaient de deviner les noms des personnages de Super Smash Bros.

Selon un sondage réalisé par l'IPSOS*, seuls 10% des parents jouent régulièrement aux jeux vidéo avec leurs enfants. Cependant, gardez à l'esprit que les chiffres changent en fonction des années, des échantillons de population et des critères utilisés, comme le type de jeu ou le temps accordé à celui-ci.
*C'est un institut de sondages (quelle surprise).
En ce qui me concerne, les moments partagés avec mes parents devant une console se comptent sur les doigts d'une main. Tandis que ma mère est plus souvent spectatrice qu'au cœur de l'action (de mémoire je ne l'ai vu avoir une manette dans les mains qu'une seule fois), mon père lui m'aidait dans ma tendre enfance aux moments où je ne m'en sortais pas sur Game Boy Advance, c'est à dire dans l'intégralité des niveaux de Crash Bandicoot Fusion où il fallait bourrer le bouton B le plus rapidement possible pendant un temps donné pour réussir l'épreuve.

Mes pouces hurlent de douleur à la vue de cette image.

Même si l'âge moyen des joueurs est d'environ 30 ans -eh oui !-, la grande majorité des enfants et adolescents joue aux jeux vidéo. Et leurs connaissances sur le sujet et celles qu'ont leurs parents se traduisent parfois par un fossé considérable. Mais j'ai envie de dire :

"C'est normal." 
[Pseudo-Mew, fakemon qui sait rester simple dans ses déclarations.]

Car mettons-nous à leur place deux secondes : comme les jeux sont généralement offerts pour Noël ou l'anniversaire du bambin en question, le but c'est de lui faire plaisir, pas d'argumenter le pour et le contre de son cadeau en comparant les notes qu'il a eu sur les différents sites et en analysant frame par frame la bande-annonce. Ce qui fait que les seules sources de renseignements seront, dans le meilleur des cas, sur le résumé au dos de la boîte pendant l'attente à la caisse.

Après, gardez en tête que je caricature pour mieux illustrer mes propos. Mais les scènes surréalistes qui se déroulent en grande surface, je ne les invente pas : une fois, j'ai vu un gamin d'environ huit ans réussir à faire gober à son père que le "18" rouge en bas de la jaquette n'était pas l'âge conseillé pour y jouer mais la note que le jeu a reçu sur Internet, et que par conséquent il était sur le point de lui acheter un divertissement de qualité. Le sentiment d'impuissance face à cette tragédie n'a d'égal que la naïveté qui aura eu raison du porte-monnaie de ce monsieur.

Ceci explique cela. 
(ne partez pas, c'est de l'humour)

Et donc toute cette introduction pour dire que certains décalages d'une génération à une autre sont intéressants à constater. Mais se limiter à la théorie, c'est nul : passons à la pratique ! Et ce sont mes parents qui vont s'y coller.

Le but du jeu est simple : Je montre l'image d'un personnage de jeu vidéo et ils doivent en deviner son nom. Ce sont exclusivement des artworks des jeux Super Smash Bros sur 3Ds et Wii U, car ils ont l'avantage de regrouper un large éventail de protagonistes célèbres de Nintendo, qui est une franchise qu'on ne présente plus. Afin que le test ne soit pas trop long et pénible, je n'ai retenu que 38 personnages sur la cinquantaine jouable.

"Alors... Celui en vert c'est un dangereux psychopathe non ?"

Les deux tests ont été faits séparément. Par souci de réalisme, leurs réponses ont été retranscrites au mot près, donc certaines d'entre elles sont courtes ou incomplètes à cause des hésitations.
Ah, et une dernière précision qui a quand même son importance : contrairement à ce que l'on peut penser, je ne joue pas tant que ça aux jeux vidéo ! Ma série de prédilection est bien évidemment Pokémon, et j'ai quelques jeux Zelda ou Mario qui traînent dans ma chambre, mais je n'ai par exemple jamais joué à Starfox ou Metroid. Les quelques connaissances de base que j'ai sur ces séries proviennent d'Internet, donc mes parents ne sont pas censés faire un sans-faute à ce test.

Les réponses de ma mère sont en rouge, et celles de mon père en bleu.
Comme je suis trop nulle pour coder un simple diaporama (RIP mes compétences en informatique), voici un gif qui change de personnage toutes les 3,5 secondes. Si c'est trop rapide pour vous, vous pouvez cliquer sur ce lien où les images sont fixes.

Pour une version fixe du diaporama, cliquez ICI 



Le débriefing

Maintenant que le tour est fait, amusons-nous à décortiquer les réponses pour voir quels éléments intéressants peuvent en ressortir (j'aime parler de moi à la première personne du pluriel).
Et pour ça, commençons par résumer les résultats au cas par cas.

En ce qui concerne ma mère, j'avoue avoir été surprise par son nombre total de bonnes réponses. Il n'y a peut-être "que" 9 réponses exactes, mais elle a su reconnaître au moins la moitié des personnages. Parallèlement à cela, elle connait des noms mais ne sait pas à qui ils appartiennent, comme ce fut le cas pour "Wario" qui a failli désigner Yoshi et qui est finalement sorti pour Diddy Kong.
On peut aussi remarquer que "Zelda" est le mot bonus employé pour tous les personnages aux proportions réelles qui semblent venir d'un univers d'Heroic Fantasy. Sans surprise, son nom est associé en priorité à Link. C'est peut-être un blasphème pour nous autres joueurs, mais au final c'est tout à fait logique : comme Zelda est un prénom peu commun (voire très rare), impossible de deviner qu'il est féminin, et cette erreur aurait été beaucoup moins commise si la série s'était appelée "The legend of Mary", par exemple. C'est sûr, ça en jette un peu moins, mais le nom de la princesse n'aurait plus été ambigu au point d'en faire des tas de dessins qu'on peut trouver un peu partout sur Internet ou sur les t-shirts de conventions.

(Artiste : Rustenico)

Mon père lui, n'a qu'une seule bonne réponse mais a tout de même reconnu quelques personnages. Il ne s'intéresse absolument pas au domaine des jeux vidéo, ce qui fait que l'entendre sortir le nom de Lara Croft a réussi à me surprendre. En même temps, le stéréotype de la bombasse sulfureuse et intrépide marque les esprits -principalement masculins- par certains détails physiques bien conséquents.

Comme ses cheveux, par exemple.

Par contre contrairement à ma mère, il a su reconnaître que Samus était une fille. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a dit que c'était grâce à ses hanches. Samus reste donc sexy malgré sa grosse armure, ce qui est bon à savoir.

Par conséquent, une première différence ressort entre les stratégies employées. D'un côté, ma mère se fie à ses connaissances pour répondre et utilise les termes "le copain de / la copine de" pour les personnages qu'elle ne connaît pas mais qui sont physiquement proches d'une série qui lui dit quelque chose. De l'autre, mon père, qui est moins calé sur le sujet, tente d'abord repérer le genre des personnages grâce à leur apparence (et on peut remarquer qu'il est doué pour ça, comme ce fut le cas pour Sheik qui a pourtant une silhouette volontairement ambiguë) puis leur attribue un statut ou une profession aux termes un peu vagues pour ne pas trop se tromper. Il voit donc en nos héros et héroïnes favoris des fées, des princes, des chevaliers...

...Ou des tortionnaires.

Et comme c'était évident que les tests n'allaient pas être réussis à 100%, leur imagination leur a permis de meubler le contenu de leurs réponses. Ils se doutaient que ce qu'ils allaient sortir était probablement faux à partir du moment où le personnage ne leur disait rien, mais au moins ils ont tenté de répondre autre chose que le désormais traditionnel "j'sais pas", parfois abrégé en "chépa", voire même potentiellement sorti en un très classe "pfrt".

Du coup, et ce n'est pas très surprenant, on fait face à une inondation de références. Il y en a même tellement qu'il est possible de les répartir en trois catégories distinctes :
1) Les références aux dessins animés, que ceux-ci aient fait partie de mon enfance (Pingu, Oui-Oui, Beyblade, Astro Boy) ou non (Musclor, La Linea, Le Petit Nicolas).
2) Les références à la culture populaire (Cendrillon, M & M's, Robin des Bois, Marvel, Robocop) et aux séries de jouets connus (Barbie, Playmobil)
3) Les références involontaires car les noms des personnages portent à confusion (Kirby et Furby sont proches phonétiquement)

Pour le reste, c'est à dire quand ils sont tombés sur un personnage jugé comme étant "inclassable", l'improvisation a pris le dessus et ils ont inventé des noms un peu génériques comme on le ferait tous pour quelque chose qu'on ne connaît absolument pas. Une fois de plus, mon père se démarque du lot en sortant tout un tas de noms aléatoires. Et je tiens d'ailleurs à lui remettre la palme d'or de la créativité pour le nom "Chauve-Souris Boule" qui désigne Meta-Knight !
En même temps, en étant tout à fait honnête, il ressemble 
à une sorte de balle de ping-pong déguisée en Batman.

Et il a même fait encore plus fort, car il n'a peut-être pas deviné le nom de Dracaufeu, mais à la place il a sorti involontairement le nom d'un autre Pokémon. C'est ce qu'on appelle le talent.


Si on se penche sur les bonnes réponses et les approximations, on remarque que la plupart concernent l'univers de Mario et Pokémon. Et ça n'a rien d'étonnant puisque d'une part, Mario et toute sa clique sont les héros d'une série de jeux que tout le monde connaît, et qui touche toutes les tranches d'âges (appelés de façon un peu péjorative les "casual games"), et d'autre part comme je joue à Pokémon depuis une bonne dizaine d'années, certains noms du Pokédex finissent par rentrer. Ou au moins celui de Pikachu, et c'est un bon début. Comme quoi, toutes ces stratégies commerciales régies à grands coups de spots publicitaires et d'articles dans les Carrefour Savoirs finissent par payer et marquer les grands noms du jeu vidéo dans la culture et l'inconscient collectif.
...Même si je pense qu'en ce qui concerne Pokémon, le fait que je collectionne les peluches doit pas mal aider également.

Ma chambre manquait de jaune. *tousse*

D'ailleurs, les stéréotypes revenus au cours du test en disent long sur la vision qu'ont mes parents des différentes séries qui y sont présentes. Et même si l'échantillon de cette mini-expérience s'élève au nombre incroyable de 2 (ce qui est... Logique vu qu'elle ne concerne que mes parents) il est possible de généraliser quelques observations.

Tout d'abord, les Pokémon sont vus comme étant ronds et plutôt mignons. En effet, comme Pikachu a un design assez simpliste avec de grands yeux, c'est normal -et tentant- de vouloir généraliser ses caractéristiques à tout le Pokédex. Mais du coup, c'est ce qui pousse les personnes ne connaissant pas Pokémon à avoir des jugements faussés en disant par exemple que, parce que la mascotte est colorée et a de grands yeux, les jeux dont elle est tirée ciblent uniquement les enfants. Par conséquent, le style graphique et la palette de couleurs devancent le contenu pourtant bien sympathique susceptible de plaire aux adolescents et jeunes adultes (voire au-delà). Et comme les préjugés sont solidement ancrés dans la population, les personnes appréciant ce genre de divertissement sont rapidement vues comme étant immatures et enfantines. Ce qui est dommage puisque certaines séries font volontairement des efforts, comme c'est le cas pour "My Little Pony" qui n'hésite pas à faire des références à Game of Thrones ou Doctor Who pour plaire également aux parents qui se retrouvent parfois à regarder les épisodes malgré eux.

Et donc, tout ça pour dire que les Pokémon plutôt récents comme Lucario ou Amphinobi passent à la Pokétrappe, tandis que Rondoudou, le désormais célèbre Dracaufeu et même Meta-Knight peuvent tranquillement poser aux côtés de notre chère souris électrique sans que ça ne choque qui que ce soit.

Pokémon vu par ceux qui n'y jouent pas.

Il est aussi intéressant de noter que les postures des personnages en disent long sur eux. Si Lucario, avec ses poings en avant, a l'air d'un justicier prêt au combat (ça tombe bien puisque c'est son type), tandis que l'entraîneuse Wii Fit évoque une danseuse, ce n'est pas un hasard. En effet, un des challenges quand il s'agit de présenter un personnage au grand public se pose sous la forme d'une question toute bête : comment le résumer en une image ? On ne dirait pas, mais c'est parfois un véritable casse-tête, et il faut prendre en compte plein de choses : il doit être de face ou de trois quarts pour pas qu'on ait pas à jouer au jeu des devinettes pour identifier le reste de sa tête, il faut réfléchir à son expression, sa position, à la pertinence de lui faire faire une action (comme courir, par exemple) ou non, à la façon dont on peut résumer son rôle dans le jeu...

Si vous n'avez pas la flemme, retournez voir le diaporama en y prêtant attention, et remarquez comme un simple regard ou une posture peut en dire long sur les personnages !

N'allez pas non plus trop loin dans les interprétations.


Conclusion

En faisant passer ce test, je ne m'attendais pas à ce que l'avis de personnes extérieures aux jeux vidéo allait me donner un point de vue différent sur les protagonistes qu'on a maintenant l'habitude d'incarner ou d'accompagner aux travers d'épopées épiques. Plonger régulièrement dans des univers imaginaires jusqu'à ce qu'ils nous soient familiers biaise notre perception, et ce qui nous paraît évident en tant que joueur ne l'est au final pas forcément pour les autres : ça ne saute pas aux yeux que Palutena est une déesse, ou que le Luma soit en fait une petite étoile. Sans le vouloir, on assimilerait certains codes qui nous feraient dire que tel détail ou telle posture a une signification particulière chez un personnage. Le tout sans oublier de prendre en compte l'histoire du jeu dont il est tiré !
Par contre, un avis extérieur sur certains personnages m'éclaire : maintenant, je sais que le villageois d'Animal Crossing est le parfait clone de Oui-Oui, et je dois avouer que c'est un peu perturbant.

Leak d'Animal Crossing en 2024.

Voilà, j'espère que cet article un peu hors-série vous a plu, j'ai beaucoup aimé le faire ! J'avoue avoir été contente et"attendrie" de voir mes parents se prêter au jeu, même si j'ai eu affaire à quelques tentatives d'esquive faites à coups de "oh, après", "on verra ce soir", etc.



Sources :
-Merci à mes parents que j'ai harcelé pendant un moment pour leur faire passer le test. Maman, Papa, je vous aime !
-Merci à Marrotof d'avoir codé le diaporama (je ne suis pas assez douée pour faire ça toute seule)
-L'anecdote du gamin de la grande surface m'a été racontée par Yusha. Pour les curieux, le jeu en question était GTA 4.
-La statistique de l'introduction vient de cet article. Mais faites attention au statut "sacré" du chiffre ! Rien que pour ce sujet, on peut passer de 10% à plus de 50% de parents qui jouent aux jeux vidéo avec leurs enfants.